13-09-2012

Avant la reprise du procès de Baris Terkoglu, le 14 septembre, son épouse, Ozge, nous a écrit. Dans sa lettre, elle rappelle qu’aucune preuve n’a pu être retenue contre son mari, à l’exception de documents, provenant d’un virus informatique, qui « n’ont jamais été utilisés, lus, ou modifiés par les utilisateurs habituels des ordinateurs ». Les époux espèrent que « ce cauchemar » prendra fin, au terme de 778 (longs) jours de détention.

Bonjour,

J’espère que ce message vous trouvera en bonne forme. Je vous l’adresse pour faire le point sur le dossier Odatv, à l’approche de la prochaine audience, prévue pour ce vendredi 14 septembre.

Lors de la dernière audience, le 18 juin, plus de cent jours après la précédente, Baris et ses collègues ont une nouvelle fois réclamé en vain justice, et rappelé que le traitement normal de l’information ne peut pas être considéré comme un crime. Je vous rappelle qu’on n’a posé que cinq questions à Baris après son arrestation, et qu’aucune d’entre elles n’avait rapport avec une organisation ou une action terroriste. On n’a pas posé de question non plus à Baris Pehlivan (N.D.L.R. : le directeur du site). Mais les juges n’en ont pas moins décidé qu’à l’exception de Müyesser Yildiz, les autres accusés devraient passer 92 jours supplémentaires derrière les barreaux.

Baris et ses coprévenus sont des journalistes et des auteurs, qui ont estimé avoir le droit de toucher les « intouchables » aux yeux du gouvernement. En dehors de coups de téléphone bien normaux dans un processus de collecte de l’information, toute l’accusation était basée sur des documents numériques, retrouvés dans les ordinateurs saisis chez Odatv. Ces documents apparaissaient comme des notes prises par les journalistes appréhendés. Mais aucun d’entre eux n’était au courant de l’existence de ces documents avant leur interrogatoire, et, afin de comprendre d’où ces documents venaient, leurs avocats ont demandé qu’on examine ces ordinateurs. Des chercheurs indépendants, travaillant dans trois prestigieuses universités d’État en Turquie, ont démontré que ces documents avaient été introduits par des virus dans les ordinateurs saisis, et leur analyse a été confirmée par des spécialistes américains. Tous ces spécialistes étaient parfaitement conscients de la responsabilité qu’ils prenaient à l’égard du tribunal. Et pourtant, malgré ces rapports indépendants produits par quatre institutions indépendants, le tribunal a réclamé une nouvelle analyse, à mener par une institution liée au gouvernement, TÜBITAK.

Finalement, après 19 mois, une enquête technique sur les documents numériques qui constituent les seules « preuves » de l’accusation, a donc enfin été réalisée. Le langage utilisé par TÜBITAK dans son rapport est très prudent, dans le sens négatif du terme, mais il n’en confirme pas moins les constats dressés par les précédentes analyses, à savoir :
• les PC sont infectés
• les virus permettent une intrusion externe dans les ordinateurs
• les ordinateurs ont été atteints par le truchement de ces virus
• les documents n’ont jamais été utilisés, lus, ou modifiés par les utilisateurs habituels des ordinateurs.

Et pourtant, malgré ces constats, la conclusion du rapport est très vague : il se contente de poser qu’ «il n’est pas possible de se faire une opinion définitive sur le fait que ces documents ont été introduits de manière malveillante dans les ordinateurs ».

Tout qui lit le rapport peut en déduire clairement que les documents numériques ne peuvent plus être considérés comme des preuves dans ce dossier et qu’au contraire, la violation des ordinateurs saisis devrait faire l’objet d’une enquête. Après le dépôt du rapport TÜBITAK, les avocats ont demandé la remise en liberté des prévenus. Mais les juges ont ignoré le contenu du rapport, et ont cité la phrase reprise ci-dessus pour rejeter la demande.

Tout ce que nous voulons, c’est que la vérité, qui ressort même du dossier TÜBITAK ne soit pas masquée de la sorte. L’audience de vendredi est extrêmement importante pour nous : nous en attendons qu’elle mette fin à ce cauchemar, et c’est pourquoi toute l’attention internationale que nous pouvons recevoir est d’une valeur inestimable pour nous.

Merci pour votre intérêt !

Ozge Terkoglu

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