Cela fait des années que les éditeurs de quotidiens (La Presse.be) cherchent, avec un volontarisme variable, des parades aux propos nauséabonds déversés sur leurs forums. Depuis le mois d’août, un pas important a été fait : La Libre Belgique, Le Soir, L’Avenir, la Dernière Heure et les journaux du groupe Sudpresse font désormais appel à un système extérieur de modération des forums et des commentaires sur Facebook.

Le ministre des Médias de la Fédération Wallonie-Bruxelles, Jean-Claude Marcourt, et Daniel Van Wylick, président du CA de La Presse.be, ont présenté ce dispositif le 26 octobre. La philosophie générale est de permettre, voire même d’encourager, le débat sur le web mais en limitant au maximum les propos haineux, racistes, illégaux, non respectueux de la personne humaine…

Un algorithme et des modérateurs

Chaque média a sa propre charte sur le sujet et ses critères de sélection. La gestion de la modération est confiée à une société extérieure, la française Netino, qui travaille déjà pour de nombreux médias comme Le Monde, Le Figaro ou L’Express. Celle-ci utilise un algorithme qui repère les mots ou des phrases indésirables. En seconde ligne, des modérateurs (humains) installés en France et à l’étranger filtrent les propos des internautes, tous les jours de l’année, de 8 heures à minuit, tant sur les sites web des journaux que sur les pages Facebook. Un superviseur belge contrôle le tout et sert de référent éventuel.

Quelque 400.000 messages sont ainsi triés chaque mois. Le taux de rejet tourne autour des 10%. Dans plus de la moitié des cas, pour insultes et agressivité, puis pour appel à la violence (10%), racisme (5%), diffamation (5%)…

L’expérience menée avec ces journaux (pour un budget annuel de 100.000 €) pourrait être étendue à d’autres quotidiens – des discussions sont en cours avec L’Echo – voire même à la RTBF, où le sujet est également débattu.

Une recommandation ignorée

S’il prouve son efficacité, le système devrait soulager les éditeurs mais aussi les rédactions. Reste que le principe même d’une externalisation pose question. En novembre 2011, le CDJ publiait des recommandations à propos des forums. Il stipulait que « la modération des forums et espaces de discussions est une activité journalistique qui doit être exercée au sein de la rédaction […] » Les éditeurs, présents au CDJ, ont donc choisi d’ignorer ce qu’ils avaient eux-mêmes cautionné à l’époque. Président de La Presse.be, Daniel Van Wylick assume sans broncher : « C’est vrai, mais aucun journaliste ne veut faire ça, même à temps partiel. On l’a essayé au Soir, sans succès… ». Et cette modération relève aussi de la responsabilité des éditeurs tout comme le respect de la déontologie, « condition d’éligibilité à l’aide à la presse », rappelle fort à propos Daniel Van Wylick.

J.-P. B. et J.F.Dt