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Actus

Périlleux exercice aux Assises du Journalisme : regarder 2027

17/03/2017
Assises : s'informer dans 10 ans

Crédit : Les Assises du journalisme

Pour leur deuxième journée, jeudi 16 mars, les Assises du journalisme qui se tiennent en France, à Tours, ont abordé en force leur thème de 2017 : «(S’) informer dans 10 ans». Comment l’info sera-t-elle produite, reçue, partagée en 2027 ? Par qui, avec quels outils et quelles manières de faire ? Là-dessus au moins, employeurs, experts, journalistes et analystes étaient unanimes : on n’en sait rien. «On ne sait même pas ce qu’on sera dans un an», blaguait à peine un patron de presse. Alors quoi ? Quelques-uns se sont risqués à un peu de futurologie quand même, et beaucoup d’autres ont surtout refait l’état des lieux d’aujourd’hui. Échantillon non exhaustif :

La voix. Demain, l’info passera par des objets connectés qui répondront à votre demande sur «Quoi de neuf ?». Et ils vous donneront bien sûr les infos qui vous conviennent et vous concernent. Les robots qui, actuellement, peuvent déjà rédiger des articles pourront, demain, vous les dire.

Les robots. «Il ne faut pas en avoir peur» rassure un directeur. La machine soulagera le journaliste, notamment dans son travail de «fact checking». Terminées les longues recherches. Le gentil robot vous fera ça en quelques secondes. Et il prendra la place des humains dans les rédactions ?, s’inquiétait un étudiant en journalisme. Noooon, répondent quelques employeurs. Francis Morel, PDG des groupes Les Echos et Le Parisien – Aujourd’hui en France : «La qualité de mes journaux, c’est la qualité de mes journalistes. J’ai plutôt dans l’idée d’augmenter les effectifs». Emmanuel Hoog, PDG de l’AFP : «Pas question de réduire le nombre de journalistes. De lui dépend notre capacité concurrentielle de production». David Carzon, directeur de la rédaction de Libération : «Il faudra recruter !». Chiche.

L’horizontalité. Ce sera, à l’inverse de la verticalité actuelle, le processus de production de l’info. Les lecteurs, en presse locale, seront de plus en plus des fournisseurs pour leurs médias. Et le chercheur Jean-Marie Charon évoque, lui, une coopération accrue entre le public et les journalistes.

Le papier. Personne n’ose annoncer sa disparition. Mais prudents, certains se demandent s’il aura survécu dans dix ans. Et d’autres le défendent avec enthousiasme. «Nous, on n’a pas trouvé mieux que le papier pour raconter nos histoires, et c’est ce que nos lecteurs préfèrent», assure Cyril Petit, rédac chef du Journal du Dimanche. Et Jean-Pierre de Kerraoul, PDG de Sogemedia (éditeur d’hebdos régionaux) se dit «convaincu qu’il y aura encore une presse papier, parce que la lire est un plaisir».

Le marketing éditorial. Pauvre Patrick de St-Exupéry. Le cofondateur de XXI avait vitupéré, la veille, cette manie des éditeurs de parler de leur «marque» au lieu de leur(s) titre(s). Pas un débat n’a échappé au tic. Par exemple pour se plaindre (légitimement) qu’aujourd’hui, «les contenus circulent sans les marques ! Les gens ne savent plus d’où vient l’article. On doit réaffirmer notre marque» (David Carzon, Libé). «L’Express, c’est une marque !», assène Eric Mettout, responsable du numérique de l’hebdo. On a préféré la formule du patron de Sogemedia : «Un journal, c’est une personnalité éditoriale». Il le disait en saluant les publications de So Press et son fondateur, Franck Annese, présent à la table ronde sur les hebdos. Lanceur compulsif de publications spécialisées, décalées et à succès, Annese ne récolte que 20% de ses revenus en recettes publicitaires ; il croit au papier et refuse de mettre gratuitement en ligne les contenus de la version papier; il a choisi le rythme quinzomadaire (comme il dit) et fait bosser 85 personnes. Et ça marche.

Marketing éditorial, encore, avec cette nécessité de «faire rentrer le lecteur dans la rédaction», insiste Vincent Peyrègne, directeur de WAN-IFRA (l’association mondiale des éditeurs).

Le consommateur 1. La presse généraliste doit-elle le rester quand tout circule partout instantanément ? A la question de Libé, Vincent Peyrègne, apporte cette réponse : le «mass media» va s’effacer au profit de médias de communautés, que celles-ci soient géographiques ou d’intérêt. On pourrait voir des journaux axés sur la famille, sur les travailleurs transfrontaliers, sur la question du genre…

Le consommateur 2. Puisque le lecteur n’a pas que ça à faire (et qu’il lit aussi son smartphone), les magazines doivent s’adapter à son temps disponible de lecture. Concrètement, cela signifie limiter les sujets (So Press), réduire la pagination (Sogemedia), renoncer à des suppléments (L’Express). Et oublier la vieille idée selon laquelle le poids d’une édition incite à son achat.

Aux Assises, il fut bien sûr aussi question de la radio, de Google et des réseaux sociaux, des concentrations, de la pub et du modèle économique. Et du modèle social, des conditions de travail, des profils dans dix ans ? Hélas non. Ce vendredi 17 mars peut-être ?

J.-F.Dt. A Tours

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