Des sujets « féminins » ?

Derrière les spécialisations des journalistes se cachent d’importantes disparités entre les femmes et les hommes. L’actualité politique, économique et financière, les technologies et les transports sont des domaines majoritairement couverts par les hommes. Les femmes sont, par contre, davantage présentes que les hommes dans les domaines suivants : le lifestyle (17% des femmes pour seulement 5% des hommes), la société (42% des femmes pour 33% des hommes), la santé (12% des femmes pour 6% des hommes) et enfin la nature et l’environnement (17% des femmes pour 6% des hommes). L’écart le plus important concerne l’actualité sportive : seules 6% des répondantes ont indiqué le sport comme spécialisation pour 33% des répondants hommes. (étude p.34)

Sujets fémininsCes résultats montrent donc des spécialisations genrées.

Les femmes sont également plus nombreuses que les hommes à se sentir « cantonnées » à certaines rubriques, notamment en raison des injonctions de la hiérarchie. Une situation d’autant plus prégnante dans le cas des journalistes indépendant.es souvent poussé.es, par nécessité financière, à « accepter ce qu’on (leur) propose ». (p.168 étude)

Comment sont définies ces rubriques et domaines d’expertises ?

Ici encore, difficile de ne pas remarquer que l’actualité traitée par les femmes journalistes montre souvent une inclinaison vers les rubriques plutôt sociales et de loisirs (étude p.167). Ce sont ces mêmes domaines que l’on attribue généralement à une « sensibilité féminine » (les femmes seraient plus douces, plus émotives, plus consciencieuses) au sein d’un monde majoritairement masculin (étude p.202) : présence plus importante d’hommes dans les médias, « masculinité » forte des relations (il s’agit d’être fort, résistant aux pressions, d’avoir du caractère) et ordre genré des rédactions (positions hiérarchiques, assignations genrées dans les rubriques, représentations entourant la maternité, etc.).

Paroles de journaliste : « J’ai été à une conférence de presse hier, et étonnamment, il y avait trois femmes. Moi je m’entends mieux avec les femmes, souvent… Parce qu’il n’y a pas de rivalité. Il y a moins de rivalité. Les hommes sont : ‘qu’est-ce qu’il va écrire ? Qu’est-ce qu’il mijote ?’ Moi, c’est quelque chose qui me saoule. Mais voilà c’est un métier très concurrentiel. (…) Mais voilà les femmes me permettent de respirer, de trouver un côté joyeux à certaines choses… Après, elles peuvent être très rivales aussi entre elles hein. » (étude p.210)

La santé et le soin à la personne sont également des thématiques plutôt confiées aux femmes journalistes qu’aux hommes. Il y a ici un parallèle intéressant à faire avec la crise du COVID-19 et le care, majoritairement investi par les femmes.

Y a-t-il réellement des « sujets féminins » ou une façon féminine de « faire de l’information » ?

Une fois de plus, il semblerait qu’il s’agisse ici de processus de socialisation plutôt que d’une nature innée ou intrinsèque au genre.

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