Actus

Carte blanche du comité Assange

17/07/2023

Nous publions ci-après une lettre ouverte que le comité Assange adresse à tou.te.s les journalistes.  

Lettre ouverte aux journalistes

L’affaire Assange dure depuis plus de 13 ans.

Et elle pourrait bien arriver à un terme.

Non pas pour l’intéressé qui, en cas d’extradition, encourt une peine de 175 années d’incarcération pour avoir révélé des crimes de guerre.

Pour l’intéressé qui, après avoir permis à des milliers de familles de retrouver la trace de leurs disparus et mis en lumière la brutale réalité des guerres, risque de passer le restant de ses jours dans l’isolement d’une cellule d’une prison super sécurisée des Etats-Unis.

Pour l’intéressé, qui, pour avoir simplement fait son travail de journaliste, serait alors à jamais privé de la liberté.

Mais, elle pourrait arriver à un terme pour l’ensemble de la presse. En effet, si le fondateur de WikiLeaks est extradé, la menace que les poursuites dont il est l’objet font peser sur la profession de journaliste se concrétisera et notre capacité de défendre le droit à l’information se réduira comme peau de chagrin.

Aujourd’hui, en tant que lectrice, je voudrais m’adresser à vous journalistes pour vous demander si dans la situation actuelle, il n’est pas urgent que vous réagissiez pour défendre la qualité future de votre travail.

Il y a quelques 8 mois, 5 organes de presse (The New York Times, The Guardian, Le Monde, El Pais et Der Spiegel) qui, en novembre 2010, avaient participé à la publication avec WikiLeaks et Julian Assange du contenu travaillé, sélectionné et expurgé de 250.000 câbles diplomatiques révélant des corruptions et des scandales, ont publié une lettre demandant l’abandon des charges. (1)

Les rédactions de ces grands journaux si elles ont marqué leur désaccord avec Julian Assange sur certains points rappellent que les poursuites à son encontre ont commencé sous l’administration Obama mais que celle-ci a finalement renoncé à le poursuivre officiellement, considérant que cette procédure constituait une menace potentielle contre le Premier Amendement de la Constitution des Etats-Unis qui protège la liberté de la presse. Cependant, après l’élection de Donald Trump, les choses ont changé et Assange a été poursuivi en vertu de l’Espionage Act et menacé de 175 années de prison. L’arrivée au pouvoir de Joe Biden n’a rien changé à cette situation.

Les 5 organes de presse, dont The New York Times, soulignent que « Recueillir et diffuser des informations sensibles constitue…une part essentielle du travail de journaliste au quotidien, lorsque cette divulgation s’avère d’intérêt public. Si ce travail est déclaré criminel, alors non seulement la qualité du débat public, mais aussi nos démocraties s’en trouveront considérablement affaiblies. »

C’est pourquoi, ils demandent au gouvernement des Etats-Unis d’abandonner les poursuites contre Julian Assange.

Ils concluent par ces mots : « Publier n’est pas un crime ».

Tout récemment, des journalistes qui ont, à un moment ou à un autre, travaillé avec Julian Assange ont révélé avoir été contactés par le Federal Bureau of Investigation (FBI) pour apporter des éléments à l’accusation du gouvernement des Etats-Unis.

Andrew O’Hagan, un romancier qui avait été pressenti pour écrire une biographie d’Assange a ainsi rapporté à The Sydney Morning Herald que des agents du FBI l’avait sollicité pour obtenir des renseignements. Il a déclaré : « Je ne témoignerai pas contre un confrère journaliste jugé pour avoir dit la vérité. » 

James Ball, un ancien bénévole de WikiLeaks, a indiqué dans un article que le FBI l’avait également approché pour les mêmes raisons en décembre 21. Après avoir un temps gardé l’information secrète, il a décidé de la divulguer après avoir appris que l’ancien rédacteur de The Guardian, David Leigh, et la militante pour la transparence, Heather Brooke, avaient été informés par la police métropolitaine de Londres du souhait du FBI de les entendre (2 et 3). Ces journalistes et écrivains disent tous qu’ils ne témoigneront pas contre lui et soulignent leur opposition à l’utilisation de l‘Espionage Act contre le travail d’un journaliste.

Parmi les journalistes qui ont travaillé avec Assange, certains partagent sa conception du journalisme scientifique et l’ont défendu depuis le début. Ils ont témoigné pour lui lors des audiences d’extradition, dans les audiences du Belmarsh Tribunal… Mark Davis (4 et 5)),John Goetz (6), Nicky Hager (7), Stefania Maurizi (8) pour n’en citer que quelques-uns… D’autres ne partagent pas ses idées mais de plus en plus d’entre eux prennent maintenant position pour l’arrêt des poursuites contre Assange et demandent que les charges qui pèsent sur lui soient abandonnées car, en réalité, elles mettent gravement en péril le travail des journalistes et la liberté de la presse.

Alors que, dans une démocratie, l’information est à la base du débat public et de la prise de décision citoyenne, la possible extradition du fondateur de WikiLeaks remet sérieusement en cause la liberté d’informer. N’est-il pas temps pour les journalistes qui, par leur métier sont les garants de ce droit fondamental, d’écarter la menace qui pèse sur celui-ci ainsi que sur l’exercice normal de leur profession, en réclamant l’abandon des charges contre Julian Assange ?

  1. https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/11/28/un-appel-de-journaux-en-faveur-de-julian-assange-publier-n-est-pas-un-crime_6151923_3232.html
  2. https://www.rollingstone.com/politics/political-commentary/biden-doj-julian-assange-wikileaks-case-pressuring-journalists-1234782793/
  3. https://thedissenter.org/fbi-testimony-from-disaffected-journalists-assange/?fbclid=IwAR2Y4cucvFj5CYMD_WwadnAVnS7HGhNqgVZTQIIB7Zi00jY-fvWzOKDpr08
  4. Belmarsh Tribunal à Sydney – https://act.progressive.international/belmarsh-tribunal-sydney/?
  5. https://www.sydneycriminallawyers.com.au/blog/julian-did-redact-an-interview-with-lawyer-journalist-mark-davis/
  6. https://consortiumnews.com/2020/09/16/assange-hearing-day-seven-ellsberg-and-goetz-refute-informants-were-harmed-and-that-assange-was-first-to-release-their-names/
  7. Journaliste australien, initiateur de la pétition : https://speak-up-for-assange.org/
  8. Journaliste au Il fatto quotidiano. Auteure de « Il potere segreto » édition Chiarelettere – parution en français prévue aux Editions Agone
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