Actus

Journalistes interpellés : le Premier ministre répond à l’AJP

25/07/2018
Des journalistes arrêtés administrativement

Cliquez sur limage pour voir la vidéo de l’arrestation

Près d’un mois après qu’une équipe de la RTBF (deux journalistes et trois techniciens) a été arrêtée administrativement dans l’exercice de ses fonctions, le Premier ministre Charles Michel a enfin répondu au courrier que lui avait adressé l’Association des journalistes professionnels (AJP). Une réponse qui ne nous satisfait (vraiment) pas.

La réponse du Premier ministre ne diffère finalement pas beaucoup du tweet qu’il avait publié le jour de l’arrestation. En un peu plus de 280 caractères cette fois, il assure une nouvelle fois que « la Belgique est un État de droit dans lequel la liberté de la presse est respectée et garantie, conformément aux principes et aux valeurs démocratiques que nous défendons et conformément à l’article 25 de la Constitution qui consacre ce droit ».

Pour le surplus, il se borne à renvoyer aux explications fournies par le ministre de l’Intérieur, Jan Jambon, lorsqu’il a été interpellé à la Chambre le 21 juin dernier. Interrogé par plusieurs députés, Jan Jambon a indiqué que « malgré de nombreuses insistances, les manifestants ont poursuivi leur action (et) les journalistes ont continué à filmer et à interviewer les manifestants dans l’enceinte du périmètre défini par la police ».

Le ministre ne fait ensuite plus aucune distinction, comme le relève Olivier Maingain (DéFI), entre les personnes interpellées, lorsqu’il dit que « les manifestants ont fait l’objet d’une arrestation administrative et ont été transférés au commissariat de la zone de police. Leurs caméras et le matériel de son ont été brièvement confisqués et également transférés au commissariat de la zone de police ». Il a aussi fait remarquer que « ce n’est pas parce qu’on est journaliste qu’il ne faut pas respecter la loi. Les journalistes en question n’ont, à aucun moment, montré leur carte de presse. Ils l’ont montrée lorsqu’ils étaient au commissariat ».

Le député PTB Marco Van Hees, après s’être étonné qu’il ait été « impossible d’identifier ces journalistes, alors même que l’un d’eux tenait un micro aux couleurs de la RTBF », a reproché à Jan Jambon de travestir les faits. « Lorsqu’ils sont arrivés au commissariat, l’un d’eux a montré sa carte de presse. Qu’a fait la police à ce moment-là ? Elle l’a envoyé au cachot ! » Les affirmations de Jan Jambon ont d’ailleurs été réfutées par un des journalistes lui-même, mais qu’à cela ne tienne ! C’est la version que continue à défendre le Premier ministre, qui se félicite aussi de  la bonne place de la Belgique dans un classement élaboré par Reporters sans frontières…

Pour l’AJP, cette réponse indigente du Gouvernement n’est pas acceptable. Un Premier ministre se grandirait en reconnaissant qu’arrêter administrativement des journalistes était inutile, contraire à la liberté de la presse et à l’intérêt des citoyens. A l’inverse, il soutient les justifications laborieuses et tordues de son ministre de l’Intérieur. Les déclarations incantatoires sur la liberté de la presse sont une chose, souvent inutile d’ailleurs. Mais veiller à garantir cette liberté sur le terrain est autre chose (bien plus utile). C’est ce que l’AJP attend d’un régime démocratique.  

La RTBF, qui avait annoncé qu’elle prendrait des mesures, a décidé d’agir sur deux fronts. Elle déposera plainte dans les prochains jours au Comité P, qui contrôle les actes des policiers, et intentera parallèlement une action en responsabilité contre l’État belge et/ou les autorités impliquées dans la décision d’arrestation. C’est ce qu’a indiqué son directeur juridique Simon-Pierre De Coster.

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