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Actus

Lanceurs d’alerte : à source spécifique, protection spécifique

02/05/2022

La Belgique va se doter d’une nouvelle loi pour protéger les lanceurs et lanceuses d’alerte.

Le lanceur d’alerte est une source essentielle pour le journalisme d’investigation. Tournés vers ce qui est tu, caché, dissimulé, les journalistes trouvent auprès de ces personnes les informations, confirmations ou preuves d’irrégularités nuisibles à l’intérêt général. Ce faisant, elles prennent la responsabilité de signaler des violations du droit au sein de l’entreprise ou de l’organisation au sein de laquelle elles travaillent. Une responsabilité qui mérite d’être encouragée lorsqu’elle est prise dans l’intérêt général.

Ces sources, qui prennent parfois des risques considérables pour révéler des violations du droit, se doivent donc d’être protégées en tant que telles et pas uniquement si et lorsqu’elles sont considérées comme des sources journalistiques dont la protection est déjà garantie légalement. Désormais, c’est leur action en tant que telle qui leur confère une protection et non le canal par lequel ils ou elles exercent cette action.

La transposition en droit belge de la directive visant l’établissement d’une protection minimale des lanceurs d’alerte est par conséquent d’une importance capitale pour construire un cadre rassurant dans lequel pourront se dérouler les signalements espérés.

Seront protégés les travailleurs salariés du secteur privé (un autre texte relatif au secteur public sera discuté et voté par la suite) mais aussi les collaborateurs indépendants, les actionnaires, les stagiaires au cours de leur relation professionnelle avec l’entreprise ou après la fin de celle-ci ou même, le cas échéant, suite à une phase précontractuelle qui n’aurait pas été menée à terme.

Pour débloquer la protection accordée, les violations auxquelles se rapportent les alertes doivent concerner au moins l’une des matières mentionnées par la directive, notamment les marchés publics, les services financiers, la protection des consommateurs, la protection de l’environnement, la protection de la vie privée, la sécurité et la conformité des produits,…

Le projet de loi belge élargit ce cadre en y intégrant la fraude et l’évasion fiscale.

Les manières de lancer l’alerte sont au nombre de trois : interne, externe et via une divulgation publique.

Si la troisième concerne particulièrement les journalistes (lire ci-dessous), les deux autres nécessiteront, en vertu de la loi, la mise en place de structures spécifiques dans les entreprises de plus de 50 travailleurs mais aussi d’autorités externes compétentes pour la réception de ces signalements de violations. Autant d’étapes et d’organes dont la légitimité, l’indépendance et la capacité à se situer « au-dessus de tous soupçons » devront se gagner au fil des expériences.

La divulgation publique, elle, confère également une protection légale pour autant que : soit la personne ait d’abord effectué un signalement interne ou externe et qu’aucune mesure appropriée n’ait été prise en réponse à celui-ci ; soit la personne a des motifs raisonnables de croire que la violation peut représenter un danger imminent ou manifeste pour l’intérêt public ou qu’il existe un risque de représailles, de dissimulation de preuves ou de collusion entre une autorité et l’auteur de la violation signalée.

Attention cependant : il ressort clairement de l’énoncé des motifs de la loi de transposition que les conditions énoncées pour que soit acquise la protection en cas de divulgation publique ne s’ajoutent pas s’ajouter à celles qui seraient déjà d’application lorsqu’une personne « révèle directement des informations à la presse en vertu de dispositions nationales spécifiques établissant un système de

protection relatif à la liberté d’expression et d’information ». En d’autres mots, le régime belge de protection des sources journalistiques demeure donc pleinement d’application et aucune condition supplémentaire ne vient s’ajouter pour qu’il soit applicable. Toujours dans l’exposé des motifs, il est ainsi conclu clairement que l’article sur la divulgation publique par un lanceur d’alerte « ne constitue pas, en tout état de cause, une entrave au droit de communiquer des informations sur un sujet d’intérêt général à un journaliste ».

Quant à la protection concrète, elle concerne bien entendu la confidentialité, indispensable pour qu’une alerte puisse être lancée en toute confiance, ainsi que l’interdiction de représailles, tout aussi indispensable. Au-delà de la portée symbolique de celle-ci, une responsabilité effective de l’auteur de représailles et l’existence de sanctions garantissent son effet. La notion même de représailles est comprise de manière fort large. « Dans une culture où ceux qui dénoncent et prennent la parole sont encore largement désavoués », illustre l’exposé des motifs, « l’employeur n’est effectivement pas le seul individu dont l’auteur de signalement doit craindre des représailles. Ce dernier peut craindre de la part de collègues de travail des mesures de rétorsion, parfois diffuses et insidieuses, pour lesquelles une action ferme de la part de l’employeur est requise ».

Enfin, et notamment concernant la collecte et la diffusion de documents, tant que les actes du lanceur d’alerte ne constituent pas une infraction pénale, ils n’entraînent pas de responsabilité concernant l’obtention d’information relatif au signalement. Et ce pour autant qu’il ait eu des motifs raisonnables de croire que le signalement ou la divulgation publique de telles informations était nécessaire pour révéler une violation du droit. « Aux mêmes conditions, aucune action civile, pénale ou disciplinaire ne peut être engagée contre ces personnes, ni aucune sanction professionnelle infligée, en raison de ce signalement ou de cette divulgation », précise l’exposé des motifs.

Le texte de la transposition de la Directive sera bientôt à l’ordre du jour de la Chambre.

(G.M.)

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