Actus

Le Soir contraint d’anonymiser une archive

10/07/2023

Épilogue judiciaire d’un affrontement entre deux droits fondamentaux : le droit au respect de la vie privée et la liberté d’expression

La Grande Chambre de la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH), sorte de degré d’appel de la même CEDH, a confirmé l’arrêt rendu par celle-ci le 22 juin 2021. Le commandement fait à Rossel par les juridictions belges d’anonymiser les articles relatifs à G., automobiliste responsable de la mort de deux personnes en 1994, ne constituait pas, selon le premier arrêt de la Cour, une atteinte à la liberté d’expression, contrairement à ce que soutenait la société éditrice. Cette appréciation est confirmée par la Grande Chambre.

« Réapparu » en 2008, lors de la mise en ligne d’archives du journal, l’article concerné n’est pas mis en cause pour sa véracité ou sa licéité mais bien pour le dommage que cette archive numérique cause à monsieur G. C’est en effet la permanence de l’atteinte à sa vie privée qui en découlait que contestait G.

L’affrontement de ce grand principe avec celui de la liberté d’expression/liberté de la presse a donc vu le premier prendre le dessus, les juridictions belge ayant, au passage, créé le concept de « casier judiciaire virtuel », repris ensuite par les instances européennes. Une expression évocatrice mais incorrecte, tant la presse n’a pas vocation à être un document officiel gardant trace des condamnations judiciaires prononcées.

L’assimilation des archives numériques d’un quotidien à un « casier judiciaire virtuel » et la considération que G. avait suffisamment souffert ont amené la Grande Chambre à estimer qu’il convient d’anonymiser l’article litigieux. Cette charge n’étant pas, selon la Cour, « excessive » pour l’éditeur.

Consciente de la dangerosité de constituer une jurisprudence appelée à s’appliquer dans toutes les situations opposant le « droit à l’oubli » à la liberté de la presse et à la nécessaire intégrité des archives, la Grande Chambre s’est toutefois gardée de généraliser. Elle a ainsi pris soin de préciser que de telles demandes « exigent un examen approfondi » et relève, notamment, que le cas soulevé n’implique pas une personnalité publique, n’avait pas défrayé la chronique, n’était pas d’intérêt général et qu’un long délai s’était écoulé depuis les faits (quasi 30 ans en l’occurrence).

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