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Actus

Lettre ouverte du personnel de Sanoma Média Belgium

18/04/2016

Le numéro d’avril de Journalistes y reviendra : la direction de Sanoma Media Belgium a annoncé le 24 mars dernier son intention de procéder à une nouvelle réduction de personnel de 65 personnes, dont 27 employés au sein des rédactions (journalistes, coordinateurs, lay-out…). Depuis 2008, plus de 200 emplois ont déjà été perdus au fil de réorganisations et restructurations… en vue d’augmenter les bénéfices.

Les représentants du personnel de Sanoma Media Belgique ont rédigé la lettre ouverte dont nous reproduisons ci-dessous l’intégralité. Les passages en gras sont des auteurs de la lettre.

 

Sanoma« Vous êtes ouverts à ce qui se passe dans le monde et aimez partager vos connaissances? Dans ce cas, un job chez Sanoma est fait pour vous ! », était-il annoncé et est-il encore écrit sur le site de Sanoma Belgium.…

On se pince aujourd’hui au sein du personnel, qui ne comprend plus les finalités de ceux qui ont pour mission de le gérer.

Sanoma Belgium était il y a peu un groupe fort, composé de titres forts qui rapportaient de l’argent (Femmes d’Aujourd’hui et Libelle notamment, parmi les plus grosses audiences du pays). Les ventes ont un peu chuté mais le groupe réalise toujours un beau bénéfice.

Depuis 2008, la politique d’amaigrissement chez Sanoma n’a quasiment pas connu de trêve. ‘Cost cut’ !! C’est-à-dire des licenciements successifs et des réductions de coûts pour maintenir des bénéfices élevés. Deux restructurations successives d’abord. Ensuite, la disparition de fonctions et le non-remplacement des départs. Enfin, la vente de plusieurs titres (bénéficiaires pour la plupart): Moustique, Humo, Vitaya, Story… au cours des 12 derniers mois.

Malgré ces conditions on ne peut plus difficiles, journalistes, rédacteurs, graphistes mais aussi le service achat et les commerciaux ont fait de leur mieux, jour après jour, pour continuer à produire des magazines de qualité. Ils ont été plusieurs fois félicités pour leur investissement dans leur travail en ces temps difficiles. Pourtant, leur enthousiasme et l’intensité de leur travail, ils viennent de l’apprendre, n’est pas synonyme de garantie d’emploi!

Car aujourd’hui, Sanoma Belgium annonce encore son intention de licenciement collectif portant sur 65 personnes, dont 27 au sein des rédactions. Va-t-on demander aux « heureux » qui conserveront leur job de produire la même chose aussi bien avec des équipes réduites à la portion congrue?

Que les temps soient difficiles pour la presse, et particulièrement pour les magazines, nous le savons. Qu’il faille réaliser des économies pour assurer la rentabilité est compréhensible. Mais que Sanoma, après plusieurs cures d’amaigrissement successives, annonce encore son intention de supprimer 65 emplois nous pose question: de combien de postes pouvons-nous encore nous délester avant de mettre le pronostic vital en jeu? Ou alors, Sanoma Belgique, qui était considérée par les lecteurs comme par les employés comme une entreprise de cœur, est-elle en phase de mort lente programmée?

Indépendamment de notre sort individuel, nous nous posons des questions légitimes sur la qualité future de nos magazines (Femmes d’Aujourd’hui, Libelle, Gael, Feeling, Flair, vtwonen, Wonen Landelijk Stijl…), dont c’était une marque de fabrique.

Une équipe ultra-réduite, travaillant dans un climat d’insécurité croissant n’est plus vraiment à même de fournir un travail de qualité. Par ailleurs, on recourt de plus en plus à des freelances mal rémunérés avec des deadlines rigides. Le plus souvent, ce sont de jeunes diplômés qui, obligés de travailler pour plusieurs médias, n’ont ni les mêmes affinités pour les magazines, ni la même connaissance du lectorat que les salariés.

Indépendants sans l’être, ces jeunes travailleurs doivent par ailleurs être présents pour leur « client », dévoués corps et âme en temps et en motivation, tout en pouvant être remerciés du jour au lendemain. De ce côté, on crée une génération de nouveaux pauvres. Qui n’auront en plus guère les moyens de contribuer à l’impôt et donc à la santé du pays.

Dans le même temps, on met au chômage des personnes expérimentées et talentueuses qui font l’ADN des magazines et qui n’ont pas démérité, au contraire. En terme de contenu, on zappe tout le patrimoine humain et sa bonne expérience du titre. Celui-ci se composant majoritairement dans le futur soit de la traduction de contenus, soit de contributions de journalistes peu expérimentés et indisponibles pour assurer l’amont et l’aval des papiers fournis.

Moins de personnes, plus d’économies, plus de profit, moins de qualité? Tout ça pour quoi? Pour atteindre un bénéfice à 2 chiffres pour satisfaire les actionnaires. A savoir 10%! Même les libéraux les plus convaincus en ont sursauté. Quelles sont les sociétés cotées à la bourse qui réalisent un bénéfice à deux chiffres? Sans compter que le secteur de la presse est particulièrement sous pression tout en ayant une mission culturelle et éducative.

Peut-être est-il temps que, non seulement le personnel s’en inquiète, mais aussi nos gestionnaires. Mais que veulent-ils? Un vrai électrochoc avec des résultats à la clé? Ou simplement, mener lentement les magazines belges à une mort annoncée en essayant de spolier un maximum d’ici là? Nous sommes de plus en plus nombreux au sein du personnel à craindre que le deuxième scénario soit le plus probable…

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