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Actus

Quelques nouvelles de journalistes italiennes

23/03/2020

Masques et gants lorsqu’elles vont sur le terrain, obligé. Grosses difficultés en vue pour les journalistes freelances, surtout. Voici quelques échos de trois journalistes italiennes, qui tentent de travailler au mieux dans le contexte du Coronavirus.

La première est journaliste télévisée. Spécialisée en actualité internationale, elle travaille pour un grand média audiovisuel italien. La deuxième, Sara Menafra, est éditrice en cheffe d’un média en ligne, open.online. Anna Del Freo travaille quant à elle au quotidien d’information économique et financière Il Sole 24 Ore. Elle est présidente de la Fédération nationale de la presse italienne.

Vu les circonstances, la crise sanitaire du Coronavirus, les deux premières citées travaillent au maximum depuis leur domicile – c’est évidemment le mode opératoire préconisé par l’ensemble des rédactions italiennes. Cependant, du travail journalistique de terrain reste indispensable, spécialement en télévision. 

Comment cela se passe-t-il concrètement ? Avec des masques et des gants, des perches pour les prises de son, et le plus de distance possible entre les journalistes et leurs interlocuteurs/trices. “Le son n’est pas toujours très bon, indique Sara Menafra, mais ce n’est pas grave.”

Pour les déplacements, l’Association lombarde des journalistes (ALG, Associazione Lombarda dei Giornalisti) conseille aux journalistes qui sont amenés à se déplacer de se munir de leur carte de presse, mais aussi d’un document signé par leur employeur qui atteste de la nécessité de leur déplacement (voir document ci-joint).

Pas de réunions de plus de 5 personnes

mesures sanitaires italieEnsuite, concernant les mesures sanitaires et organisationnelles prises par les rédactions, voici comment notre première interlocutrice, journaliste télé, les décrit. Ces mesures lui conviennent : elle se dit sereine à l’idée de travailler dans ces conditions, sachant que ses collègues et elle veillent à respecter chacun des points suivants, prévus par la procédure interne de ce grand média :

  • Port de gants et de masques chirurgicaux, en fonction de la distance qui sépare deux collègues, ou deux individus lors d’une interview :  
  • Si la distance interpersonnelle est inférieure à deux mètres (< 2m) et en cas de contact avec d’autres personnes : masque chirurgical + gants 
  • Si la distance interpersonnelle est inférieur à deux mètres (< 2m), mais qu’il n’y a pas de contact avec d’autres personnes : masque chirurgical seulement, pas de gants
  • Si la distance interpersonnelle est supérieure à deux mètres (> 2m) : pas de masque chirurgical, pas de gants.
  • A la cafétéria, chacun.e s’installe dorénavant seul.e à table. Autant la semaine dernière, les employés mangeaient encore avec une chaise vide entre eux, autant maintenant, ils s’isolent au maximum
  • Le interviews sont toutes réalisées à l’aide de perches. 
  • Les conférences de presse sont, pour la plupart, organisées à distance, grâce à des outils de vidéo conférence. Il arrive encore parfois que les conférences de presse s’organisent physiquement, auquel cas les caméras et les micros sont installés à distance. Les interviews post-conférences se font parfois depuis deux pièces distinctes : journalistes dans une pièce, interviewé.e.s dans une autre, les questions sont posées par appel vidéo. 
  • Le message général est toujours le même : “Travaillez autant que possible depuis votre domicile”. Même les membres du service de conception graphique travaillent désormais depuis leur domicile. Les journalistes préparent et enregistrent une bonne partie de leurs sujets depuis leur domicile (enregistrent leurs commentaire, choisissent les images, font les interviews…), auquel cas, le montage se fait également à distance, par le.la monteuse.teur, elle.lui-meme en télétravail. 
  • Une tournante est organisée parmi les chef.fe.s de services et autres occupant.e.s de postes à responsabilité éditoriale (des équipes A et des équipes B, jamais en contact, pour éviter une contamination générale de la rédaction).
  • Aucune réunion de plus de 5 personnes dans une même pièce 
  • Les locaux sont nettoyés et désinfectés chaque nuit. Des notes sont laissés dans les pièces pour confirmer que le nettoyage a bien eu lieu. 
  • Gel hydroalcoolique présent au maximum d’endroits possibles 
  • Distinction nette entre les différentes entrées du bâtiment : l’une est réservée au personnel régulier, l’autre est réservée aux prestataires externes (livraisons, services de nettoyage… etc)
  • A partir de samedi 21/03/2020, la température des employés devrait être relevée à l’entrée du bâtiment, à l’aide d’un thermomètre “pistolet”. En cas de température (+ de 37,5°), la personne ne pourra pas entrer dans le bâtiment.
  • Toutes ces décisions émanent d’une “Task Force” ouverte au sein du média, qui rassemble des chefs d’équipes, des managers, des journalistes…

Le troisième écho nous venant d’Italie, celui de Anna Del Freo, présidente de la FNSI, la fédération nationale de la presse italienne, confirme que les médias italiens, surtout ceux de grande taille, se sont bien organisés pour protéger leurs employés. Le télétravail est forcément la nouvelle norme, “bien que nous n’étions pas préparés à ce recours massif au télétravail”, indique-t-elle. Il a fallu s’adapter. Mais conclusion : il reste très peu de monde, au sens physique du terme, dans les rédactions italiennes aujourd’hui. 

  • Concernant les prises de températures : c’est le cas dans sa rédaction. Le contrôle se fait à l’entrée du bâtiment. 
  • Concernant les masques et les gants : d’après  la dernière décision gouvernementale d’urgence relative au covid-19, les employeurs devraient en fournir à leurs employés (donc aux journalistes), “mais jusqu’à présent, c’est toujours compliqué de trouver des masques.” 
  • Concernant les assurances : “Certaines entreprises ont décidé de prendre une assurance spéciale pour leurs journalistes, au cas où ils tombent malades”, explique Anna Del Freo.

Certains journalistes, ceux qui sont spécialisés en politique, en économie… ont beaucoup plus de travail. Certains journalistes sont effectivement en première ligne, poursuit-elle. Mais nous avons aussi beaucoup de collègues qui ont perdu presque la totalité de leur activité – par exemple lorsqu’ils travaillent pour des magazines de mode, des émissions sportives ou pour des titres de presse écrite. C’est encore plus difficile lorsqu’ils sont indépendants”, poursuit-elle.  

Et de préciser: “Ces journalistes ont été invités à faire usage de leurs jours de congé pour absorber cette période difficile, spécialement s’ils en avaient accumulé un certain nombre et qu’ils ne les avaient pas encore pris. AInsi, des journalistes sportifs par exemple travaillent pour le moment moins qu’auparavant et la plupart d’entre eux sont même en congé (payés). Mais un vrai problème surviendra si la crise se prolonge et que leurs jours de congé auront été utilisés… Et un autre grand problème : les entreprises annulent leurs campagnes publicitaires et les revenus des médias sont en train de chuter.” 

Nous n’avons par contre récolté aucune information concernant d’éventuelles baisses de salaires de journalistes en Italie, contrairement aux décisions prises par plusieurs rédactions belges et auxquelles l’AJP s’oppose fermement.  

Catherine Joie

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