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Des règles strictes pour ceux qui commentent la guerre en Ukraine

15/04/2022

Les journalistes qui commentent la guerre en Ukraine doivent se conformer à des règles en matière d’accréditation et à des interdictions de publication. Par exemple, ils ne peuvent pas montrer d’images en direct, ni à la télévision ni sur les réseaux sociaux, des tirs russes.  

Début mars, le commandement militaire ukrainien a émis une directive, valable durant toute la durée de la guerre, afin de réglementer les rapports entre les forces armées et la presse. L’état de siège décrété le 24 février par le président Zelensky et approuvé par le parlement en constitue le cadre.

Le général Valery Zaluzhny et le colonel Bohdan Senyk, responsable du département RP de l’armée, affirment vouloir assurer « un compte-rendu objectif des événements » grâce à ce décret. En même temps, ils veulent « informer le public et le monde des crimes de guerre commis par la Fédération de Russie ». Le décret poursuit un objectif supplémentaire : « empêcher toute fuite d’informations secrètes ou la divulgation d’informations susceptibles d’informer l’ennemi sur les actions des forces armées ukrainiennes et ainsi avoir un impact négatif sur celles-ci. »

Les différents responsables militaires sont chargés de la bonne gestion de l’intérêt médiatique. Ils doivent engager des officiers RP et des attachés de presse, qui sont priés d’être « polis » à l’égard de la presse. En parallèle, des fonctionnaires contrôlent les informations divulguées par la presse. En plus de l’ordonnance de presse nationale, chaque département militaire régional peut imposer des propres règles aux journalistes.

Accréditation

Les journalistes voulant commenter la guerre doivent commencer par s’accréditer. Ils doivent introduire une demande auprès du département RP de l’armée ukrainienne. Celle-ci vérifie la fiabilité du postulant et consulte la division anti-espionnage des services nationaux de renseignement. Les journalistes accrédités reçoivent une carte de presse officielle de l’armée.

Cette carte de presse permet aux journalistes accrédités d’avoir accès aux informations “générales” sur les forces armées ukrainiennes, leur résistance face à l’agresseur russe et les opérations achevées. Ils peuvent également accéder aux zones de combat et aux installations militaires, mais toujours sous l’escorte d’un officier de presse. L’armée ukrainienne assure protection, aide médicale d’urgence et évacuation aux journalistes en danger, du moins « dans la mesure du possible”. Cela n’inclut pas de responsabilité formelle pour leur sécurité, leur santé ni leur vie.

De leur côté, les journalistes sont soumis à une série d’obligations: ils doivent être en mesure de présenter leur carte de presse à tout moment, ils doivent arborer des marques d’identification claires (à moins que ça ne mette leur vie ou leur santé en danger), porter un équipement de sécurité (au moins un casque et un gilet pare-balles), ils ne peuvent porter de vêtements militaires ni d’armes, doivent être en possession d’un kit de premiers soins et être capables de s’en servir. Les reporters sont également obligés de montrer leur matériel visuel aux officiers compétents, à la moindre demande, et de l’effacer quand le service de presse le requiert.

Interdictions de publication

Enfin, tous les journalistes, accrédités ou non, doivent respecter une longue liste d’interdictions de publication. Cette censure frappe donc également les bloggeurs et les leaders d’opinion. Officiellement, le décret de presse vise “les informations qui peuvent aider l’ennemi à comprendre les actions des forces armées ukrainiennes et influencer négativement la poursuite de leurs objectifs ».

Une série d’informations sont soumises à cette interdiction: les noms et locations des unités ou organismes militaires, le nombre de militaires, la capacité de l’armement et du soutien logistique, les opérations en cours comme celles qui ont été annulées, les mouvements de troupes, les manœuvres de diversion ou les opérations de sauvetage, les avions et véhicules éliminés ou portés disparus. La totalité de la guerre électronique est incluse dans cette censure, de même que « les informations destinées à propager ou à justifier l’agression militaire à grande échelle entreprise par la Fédération de Russie à l’encontre de l’Ukraine ».

Les images en direct des frappes de missiles russes sont également interdites, à la télévision comme sur les réseaux sociaux. Le journaliste néerlandais Robert Dulmers en a fait la triste expérience. Il rendait compte de la guerre depuis Odessa pour le Nederlands Dagblad mais a été expulsé d’Ukraine le 3 avril. Dulmers venait de poster sur Twitter quelques photos et une vidéo de panaches de fumée, générés par plusieurs missiles ayant frappé le port d’Odessa. C’était interdit, selon les autorités ukrainiennes. Les Russes utilisent ces images des réseaux sociaux ou de la télévision afin de vérifier si leurs missiles ont bien atteint leur cible et adaptent leurs tirs, le cas échéant.

Un peu de compréhension, SVP

L’Association nationale des Journalistes en Ukraine (NUJU), qui fait partie de la Fédération internationale des Journalistes (FIJ), demande qu’on fasse preuve de compréhension. “Nous remercions les centaines de journalistes, notamment en provenance de Belgique, qui accomplissent leur mission de correspondants de guerre, en dépit du grand danger auxquels ils s’exposent », déclare le président de la NUJU, Sergiy Tomilenko. “Par la même occasion, nous leur demandons de faire preuve de compréhension quant aux exigences dans cette période de guerre. »

La NUJU a mis en place une Hotline à l’attention de tous les journalistes étrangers en Ukraine :

https://nsju.org/novini/hotline-for-international-journalists-in-ukraine/

Texte original : Pol Deltour

Lien vers le site de la Défense ukrainien, avec le texte de la réglementation : https://www.mil.gov.ua/en/for-mass-media/interaction-with-journalists-in-the-war-zone-for-the-period-of-martial-law.html

 

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