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Intégrité affirmée en Cassation

21/03/2008

Un « retour de balancier » menace-t-il le journalisme judiciaire ? Le dernier numéro de Journalistes a posé la question et signalé le dépôt d’une proposition de loi censée protéger la présomption d’innocence. Le propos, dit-on, est de combattre le « lynchage médiatique » qui entoure certaines affaires. La question mérite réflexion, et l’AJP n’a pas attendu le dépôt de cette proposition de loi pour s’interroger à de multiples reprises, notamment dans cette revue, sur une dérive qui procède peu ou prou de la commercialisation de l’information.

Un élément doit être versé au dossier. Il porte sur les affaires les plus médiatisées de ces dernières années : les procès du pasteur Pandy, de Marc Dutroux ou, plus récemment, d’Abdallah Aït Oud ont à chaque fois vu leurs défenseurs invoquer, en ouverture des débats, une prétendue impossibilité de juger leurs clients respectifs avec équité, en raison de l’intense couverture médiatique à charge qui n’aurait pas manqué d’influer sur les jurés. Systématiquement, leur argumentation a été rejetée par la Cour d’assises saisie de l’affaire, toujours sur la même base : le respect du serment des jurés de se prononcer en toute impartialité.

Après ces procès hors normes, les défenseurs de ces accusés exceptionnels par l’horreur des faits qui leur étaient imputés ont systématiquement saisi la Cour de cassation en invoquant le même argument. La jurisprudence constante de la Cour de cassation a été d’affirmer sa confiance dans l’impartialité du jury et, partant, l’intégrité de la présomption d’innocence des accusés, en dépit de la couverture médiatique de leurs dossiers.

La jurisprudence est variable, on le sait. Ces arrêts répétés de la plus haute instance judiciaire n’en sont pas moins cruciaux. On n’évacuera pas pourtant aussi vite les reproches qui nous sont faits sur l’inopérance du droit de réponse, sur la déontologie non contraignante, ou sur le caractère encore balbutiant, du moins en Belgique francophone, de l’autorégulation, qui fondent la proposition de loi déposée par Clotilde Nyssens (CDH). Sur le dernier point, on observera que l’AJP, et aussi l’association des éditeurs de quotidiens francophones, la JFB, n’ont pas ménagé leurs efforts, depuis de nombreuses années, pour mettre sur pied un pendant au Raad voor Journalistiek flamand. Il était, et sera, notamment demandé aux médias souscrivant au processus, de s’engager à assurer une réparation intègre, en cas de rectification d’une information erronée, ou de suivi d’une enquête judiciaire, par exemple en accordant à la rectification ou à l’information relative à un non-lieu le même espace et la même importance qu’à l’information primitive. Il faut bien avouer, sur ce plan, qu’il nous reste des efforts à faire. La décision du Tribunal de première instance de Namur confirme que, faute de faire cet effort nous-mêmes, d’autres nous l’imposeront. Avec pertes et fracas.

Philippe Leruth

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