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Reuters à l’épreuve du temps

09/08/2011

L’agence Reuters signe la quatrième édition de « Notre Monde », un bel ouvrage de photographies qui donne une seconde vie aux images en les mélangeant et en les confrontant.


Reuters, Notre Monde 2011Ayperi Karabuda Ecer, vice-présidente Images de l’agence Reuters, a supervisé la sélection des photographies de Notre Monde.
Entrée chez Sipa Press en 1984, elle a rejoint l’agence Magnum en 1991 puis est entrée chez Reuters en 2003. Forte de son expérience, elle présida, en 2010, le jury du prestigieux concours international de photographie, le World Press Photo. Entretien.

Complément de l’article publié dans Journalistes n°128

Le photojournalisme est-il en crise ?

Ayperi Karabuda Ecer : Je pense qu’il est plutôt en évolution, ce n’est pas le même photojournalisme qu’il y a vingt ans. Aujourd’hui, il n’y a jamais eu autant de photographes et autant de photos publiées. Par contre, les commandes ne sont plus toutes passées à des photographes occidentaux mais à des photographes basés dans leur propre pays. Avec les médias numériques, la photo est le moyen de communication qui s’est imposé dans le monde entier. Il n’y a plus personne aujourd’hui qui ne prend pas de photo. Le lien avec la photographie est devenu beaucoup plus intime et c’est précieux. Par ailleurs, la photographie doit être liée aux autres médias : pour raconter une histoire, il faut aussi du texte et du son. Il ne faut pas voir en cela une faiblesse de la photographie, au contraire ! La notion de « news » a complètement changé et c’est très positif pour les photographes car c’est une grande richesse.

Chez Reuters, votre réseau compte quelque 600 photographes…

C’est un vivier de talents du monde entier que nous essayons de tous faire évoluer. Ca veut dire que si vous êtes en Afghanistan, vous n’êtes pas forcément condamné à y rester : l’idéal c’est que vous puissiez aller ailleurs. On a 193 bureaux dans le monde, où l’on compte aussi des journalistes texte et de télévision. A peu près 160 photographes font partie du staff, les autres travaillent comme freelances.

Comment a eu lieu la sélection des photos pour « Notre Monde » ?

On envoie à nos clients environ 1.800 photos par jour. Les images du livre ont donc été choisies parmi un demi-million de photos. C’est le quatrième tome de cette collection que je réalise et, ici, il s’agissait de choisir des images qui donnent à réfléchir tout en étant fortes. Ce sont des photos qui communiquent une certaine atmosphère visuelle et qui, je pense, peuvent résister au temps. La force de la photo, c’est d’aller au-delà des grands événements. C’est pourquoi je défends les photos de la vie quotidienne ou de moments plus intimes car ce sont aussi des témoignages de notre temps, comme celle d’Indiens dans un cinéma à Mumbai, le reportage – très touchant – sur  la pauvreté blanche en Afrique du sud, ou encore celle d’un jeune Français face à un CRS qui illustre bien une génération.

Vous avez présidé le jury du World Press Photo. Pour vous, qu’est-ce qu’une bonne photo de presse ?

On doit toujours y retrouver une histoire mais pas forcément de la façon la plus claire et didactique. Si cette histoire ne se marie pas avec un langage visuel fort et personnel, c’est que l’on n’a pas bien fait son travail ! Personnellement, je trouve que c’est intéressant de voir les images de ces jeunes journalistes qui cherchent à « documenter » le monde différemment.

Quels sont vos conseils aux jeunes photojournalistes ?

Aujourd’hui, il faut être beaucoup plus journaliste qu’avant : il faut que vous donniez la bonne information. Mais il faut aussi être éditeur car c’est vous qui choisissez les images dans votre boîtier et votre sélection est importante. Je leur conseillerai aussi de se lier aux gens dans le métier, à des jeunes collègues qui font du texte ou de la vidéo car il ne faut pas voir la photo comme un moyen de communication isolé. Il faut aussi avoir des talents de producteur. Bref, allier beaucoup de choses, et c’est extrêmement complexe. Je vois passer beaucoup de jeunes et je les trouve nettement moins négatifs sur la profession que leurs aînés, qui ont connu une autre phase du photojournalisme et qui doivent faire face à de grands changements.

Entretien : Laurence Dierickx

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