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Campagne PPP

Campagne indépendants : la rencontre de Namur

12/05/2005

Et de six. Avant l’ultime étape de Bruxelles, les rencontres régionales de l’AJP avec les journalistes indépendants ont fait halte à Namur le 12 mai. Comme à Liège, à Mons, à Charleroi, à Bastogne et à Verviers, le paysage de Sambre et Meuse est bombardé. Prise de parole sous abri, dans les caves voûtées de la Brasserie Henry.

Constats identiques

Parmi la dizaine de participants, un ancien se lance : « Il y a trente ans, mes revenus équivalaient à ceux d’un employé. Aujourd’hui, je n’arrive à m’en sortir que par la quantité, en multipliant les collaborations, par ma longue expérience du métier et de la région. Mais je connais un jeune diplômé de l’Ihecs qui vient de décrocher : « Vers l’Avenir lui paye ses papiers sportifs à 4,95 € pièce ! ». Les témoignages commencent alors à fuser, dans ce groupe de trentenaires et de quadras, accrochés à un métier qu’ils aiment, mais qui perturbe leur vie privée et les oblige à se battre en permanence contre ces rédacteurs en chef (« obnubilés par les budgets ») qui rognent sur des rémunérations déjà misérables, qui recourent systématiquement aux non professionnels (les « pirates », comme ce prof qui va faire ses interviews entre deux heures de cours) et qui « consomment » le plus grand nombre possible d’étudiants stagiaires. Dans une région où la locale tient traditionnellement une grande place, les indépendants interpellent leurs confrères salariés : « En acceptant le recours à des retraités ou à des fonctionnaires qui cumulent, ils scient la branche sur laquelle ils sont assis. Et nous, on nous impose le tarif de l’instituteur« .

Les tarifs, parlons-en. Comme ailleurs, mis à part l’une ou l’autre exception, les barèmes minima ne sont pas respectés : 25 € les 2.000 signes à la DH, 50 € la page à Sud Presse. 37,50 € par-ci pour un conseil communal, 50 € par là. A nouveau, on constate des tarifications imposées « à la tête du client », parfois assorties d’un rognage particulièrement pervers de deux ou trois lignes pour éviter de passer à la catégorie supérieure. Quant aux photographes professionnels (« un métier en voie de disparition »), non seulement ils sont obligés de brader, mais ils subissent en outre la concurrence forcée de journalistes sommés d’illustrer eux-mêmes, au forfait de 7,50 €, même s’ils fournissent plusieurs photos ! « Peu de journalistes ramènent leurs photos sans gêne« , dit l’un d’eux. Et sans oublier la concurrence supplémentaire des « pirates amateurs » : « Il y a toujours autant de photos dans nos quotidiens, mais elles ne sont presque plus prises par des photographes ». Que faire ? « Sans ma propre prise de photos, je ne pourrais pas vendre mes papiers au Soir Magazine ». Enfin, vu les distances et la tradition de grande proximité, les indépendants du Namurois travaillent souvent pour plusieurs médias. « Mais de plus en plus, chaque journal nous demande l’exclusivité. Comment y arriver quand on est sous-payé ?« .

… et solutions originales

Pour tenir le coup, un photographe a créé un collectif et vise le marché de l’information belge en France, surtout en presse magazine. Comme tous les autres participants, il approuve ce Livre Noir qui doit toucher le grand public, « mais aussi le politique, qui ne se rend pas compte« . D’où l’idée de monter une campagne qui ferait le parallèle entre « le commerce équitable », façon Oxfam et label Max Havelaar, et « l’information équitable », celle qui est réalisée par des professionnels payés décemment et respectés. Ou bien, à la manière d’Amnesty International, une opération de solidarité pour « libérer les journalistes exploités ». Ou encore, un tour de Wallonie et de Bruxelles qui proposerait le film de Benoît Mariage « Les convoyeurs attendent », où Benoît Poelvoorde, à sa façon, est entré dans la peau d’un indépendant. Avec débat public après projection.

Beaucoup de suggestions, donc. A étudier. Et aussi des propositions particulières pour la presse du Namurois : « Nous devrions avoir plus souvent des occasions de nous rencontrer. Pas d’action concertée possible sans solidarité ni échange d’infos préalables sur nos conditions de travail« .
A quand une Maison de la Presse dans la capitale wallonne ? Enfin, on a aussi évoqué la mise en coopérative, le statut social — dans le cadre général de l’amélioration de celui des travailleurs indépendants —, ainsi qu’une sorte de procédure de garde et de remplacement entre confrères et consoeurs non salariés, en cas de maladie ou d’indisponibilité de l’un d’eux. A la manière des médecins, des avocats… et des agriculteurs. On le voit, les idées n’ont pas manqué à Namur.

Dominique NAHOE

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