Le Projet mondial de monitorage des médias (GMMP) constitue l’initiative de recherche et de revendication en faveur de l’égalité des genres dans et par les médias d’information la plus constante et la plus vaste au monde. À tous les cinq ans depuis son lancement en 1995, le GMMP répertorie les changements observés quant aux dimensions de genre dans les médias d’information.

Le GMMP 2015 permet d’évaluer la mesure dans laquelle la vision relative à l’égalité des genres dans les médias a été réalisée au cours des deux dernières décennies, tout en cernant les défis persistants et émergents. Les résultats sont fondés sur les données recueillies par des équipes bénévoles provenant de 114 pays qui ont monitoré 22 136 reportages publiés, diffusés ou tweetés par 2 030 maisons d’information distinctes, écrits ou présentés par 26 010 journalistes et mettant en évidence 45 402 personnes interviewées et/ou sujets dans le cadre de ces nouvelles.

Au nombre des principaux constats, le GMMP 2015 démontre que le rythme des progrès vers l’égalité des genres au sein des médias s’est pratiquement immobilisé au cours des cinq dernières années.

Les personnes qui figurent dans les nouvelles

En 2015, les femmes ne représentent que 24% des personnes que l’on entend, dont il est question et que l’on voit dans nouvelles de la presse écrite, de la télévision et de la radio, soit exactement le même nombre qu’en 2010.

L’écart entre les genres est le moins élevé dans les reportages sur les sciences et la santé, le thème majeur le moins important dans l’ordre du jour des actualités, n’occupant que 8 % de l’ensemble de l’espace médiatique; les femmes représentent 35% des personnes dans les nouvelles sous ce thème, par opposition à seulement 16% des nouvelles de nature politique. L’écart le plus marqué se trouve dans les nouvelles sur la politique/le gouvernement, où les femmes ne représentent que 16% des gens dans les reportages. Aujourd’hui, les femmes sont moins visibles qu’elles ne l’étaient il y a cinq ans dans les reportages politiques, et ce, par trois points de pourcentage.

Au cours des deux dernières décennies, l’écart entre les genres quant aux personnes figurant dans les nouvelles a diminué. Cela s’observe davantage en Amérique latine, par une augmentation spectaculaire de 13 points de pourcentage, passant de 16% en 1995 à 29% en 2015.

Pour ce qui est des six types de fonctions du GMMP, c’est-à-dire les rôles sous lesquels paraissent les gens dans les nouvelles, les avancées les plus considérables vers l’élimination de l’écart entre les genres se trouvent dans la catégorie des personnes interviewées selon leur expérience personnelle.

Aujourd’hui, les femmes représentent 38% des personnes s’exprimant à partir de leur expérience personnelle, comparativement à 31% en 2005. Le pourcentage des femmes témoignant en fonction d’une observation directe est demeuré à 30% au cours des dix dernières années. Pendant la même période, pour ce qui est des femmes à titre d’expertes, on observe une bien maigre augmentation de deux points de pourcentage, totalisant une proportion actuelle de 19%, un nombre presqu’identique à la part de femmes interviewées en tant que porte-paroles (20%).

Les nouvelles en Amérique du Nord présentent le pourcentage le plus élevé d’expertes dans les nouvelles (32%), suivies des Caraïbes (29%) et de l’Amérique latine (27%).

En 2015, on constate peu de progrès vers une représentation dans les nouvelles qui reconnaisse la participation des femmes sur le plan de la vie économique.

À l’échelle mondiale, les femmes occupent environ 40% des emplois rémunérés alors qu’une vaste proportion d’entre elles œuvrent dans le secteur informel, particulièrement dans les pays du Sud. Dans le monde que dépeignent les nouvelles, seulement 20% de l’ensemble des effectifs du marché du travail formel sont des femmes, alors que 67% des personnes sans emploi et des parents à la maison sont des femmes.

Les perspectives journalistiques sur le genre qui influencent la sélection des sources sont non seulement centrées sur les hommes, mais elles sont également biaisées vers un certain type de masculinité lorsqu’il s’agit de choisir des personnes à interviewer selon tous les points de vue, allant des opinions « d’experts » aux témoignages de « gens ordinaires ».

La plupart des sujets, porte-paroles et experts, femmes ou hommes, sont décrits comme des hauts responsables gouvernementaux et des politiciens. Cette tendance se révèle pour les hommes dans tous les types de fonctions : 12% des hommes exprimant leurs opinions en fonction de leur expérience personnelle, 16% des hommes agissant à titre de témoins oculaires et 10% des hommes exprimant leurs opinions personnelles sont des politiciens, la catégorie d’occupation la plus populeuse chez les hommes selon le type respectif sous lequel ils sont interviewés.

Pour ce qui est des trois autres types de fonctions, les schémas changent en ce qui a trait aux femmes : les femmes s’exprimant selon leur expérience personnelle sont plus susceptibles d’être représentées comme parents/personnes au foyer (13%); les femmes qui fournissent des comptes rendus en tant que témoins oculaires sont le plus souvent présentées comme de simples résidentes/ villageoises (22%); et les femmes exprimant l’opinion populaire sont plus susceptibles d’être décrites comme étudiantes (17%).

La seule catégorie où la représentation des femmes en tant que survivantes a augmenté entre 2005 et 2015 est celle des survivantes de violence familiale, et ce, par plus de quatre fois.

Les femmes sont plus de quatre fois plus susceptibles d’être dépeintes comme survivantes de violence familiale (27%) qu’elles ne l’étaient il y a dix ans (6%).

Reporters et présentateurs

Seulement 37 % des histoires présentées dans les journaux, à la télévision et à la radio sont rapportées par des femmes.

Cette statistique globale n’a pas changé depuis dix ans, en dépit des fluctuations aux moyennes régionales de +7 points en Afrique, à -6 points en Asie pendant la décennie. Durant la période de 15 ans débutant en 2000, l’écart a le plus diminué en Amérique latine (+14%), suivie de l’Afrique (+11%). Le reste du monde a connu des changements de l’ordre d’un seul chiffre, à l’exception de l’Asie où le statu quo s’est maintenu.

Les présentatrices à la télévision sont un peu plus nombreuses que leurs collègues masculins. Cependant, les statistiques globales sur les présentateurs à la radio et à la télévision se situent juste en-deçà de la parité, soit à 49%.

En fait, 41% des nouvelles à la radio et 57% des nouvelles à la télévision sont présentées par des femmes. La moyenne mondiale actuelle constitue un retour à l’an 2000 et elle totalise deux points de pourcentage de moins que les résultats de 1995. Les présentatrices sont un peu plus nombreuses que les hommes en Asie (58%), au Moyen-Orient (57%) et dans les régions du Pacifique (52%), alors que dans le reste des régions les chiffres sont égaux ou juste en-deçà de la parité, à l’exception de l’Amérique du Nord. Pendant la période de 15 ans débutant en 2000, les chiffres se sont plus ou moins maintenus dans la plupart des régions, quoiqu’on observe certaines fluctuations. L’Amérique latine ressort du lot, présentant une augmentation constante et considérable, passant de 29% de présentatrices en 2000 à 44% actuellement, une diminution de l’écart entre les genres de l’ordre de 15 points de pourcentage en 15 ans.

Chez les présentateurs, les plus jeunes paraissant à la télévision sont en majorité des femmes. Toutefois, le portrait change de manière notable à 50 ans, alors que les hommes commencent à dominer la scène.

La presqu’égalité des présentateurs sous chacune des catégories d’âge consignées en 2010 a été remplacée par une surreprésentation démesurée des jeunes femmes dans le rôle de lectrices de nouvelles, à laquelle s’ajoute la sous-représentation marquée chez les femmes se situant dans la tranche d’âge de 50 à 64 ans (29%) et leur disparition complète à 65 ans. Un peu moins de la moitié des reporters de 19 à 34 ans et 28% des reporters de 35 à 49 ans sont des femmes. À 65 ans et plus, les femmes disparaissent également de l’écran en tant que reporters.

À titre de reporters de nouvelles, les femmes sont les plus présentes à la radio (41%) et les moins présentes dans la presse écrite (35%).

En dix ans, la part des femmes en tant que reporters à la radio et à la télévision a chuté de quatre points de pourcentage dans les deux médiums.

La proportion de femmes reporters dans les nouvelles chute fortement sous le seuil de la parité dans tous les thèmes, à l’exception des sciences et de la santé où le ratio est égal. Seulement 31% des reportages politiques et 39% des nouvelles économiques sont rapportés par des femmes.

Les nouvelles politiques et celles qui traitent de criminalité constituent les deux thèmes où l’on trouve le moins de femmes reporters dans la plupart des régions, exception faite de l’Asie et de l’Amérique latine. Les femmes rapportent 30% des nouvelles politiques en Afrique, 30% en Europe, 27% au Moyen-Orient et 28% en Amérique du Nord. Il s’agit des écarts entre les genres les plus élevés dans ces quatre régions sur le plan des reportages en fonction des thèmes. Dans les Caraïbes, le thème où le nombre de reporters masculins dépasse le plus leurs congénères féminines se situent dans la catégorie des nouvelles portant sur la criminalité, où les femmes rapportent 28% des nouvelles de ce type. Il en va de même dans la région Pacifique, où les femmes rapportent 36% des histoires liées à la criminalité, et suivant les actualités sur les célébrités, 28% en Asie et 38% en Amérique latine.

On constate une différence statistique considérable quant au choix des sources chez les reporters selon qu’ils soient des hommes ou des femmes.

Quelque 29% des sujets figurant dans les reportages des journalistes féminines sont des femmes, comparativement à 26% chez les reporters masculins. Cette situation perpétue la tendance premièrement observée en 2000, alors que les pourcentages atteignaient respectivement 24 et 18%.

L’analyse statistique révèle que la différence de genre dans le choix des sources est extrêmement marquée. Cette situation suggère que des progrès pourraient être réalisés vers la réduction de l’écart entre les genres quant aux sources des nouvelles, si l’écart entre les genres sur le plan des reporters est diminué dans le cadre d’une stratégie plus vaste qui rassemble un amalgame de conditions favorisant des objectifs d’égalité.

Qualité des nouvelles

Dans l’ensemble, seulement 9% des nouvelles comportent des renvois aux cadres de référence relatifs aux politiques, aux dimensions juridiques ou aux droits.

Les reportages de nature sociale ou juridique apportent la plus large contribution (12%) à la moyenne d’ensemble des reportages évoquant les cadres de référence, suivis de près par les récits sur la criminalité et la violence (10%). La perspective des droits ne se manifeste que dans 8% des reportages politiques et dans 7% des nouvelles économiques.

Dans l’ensemble, la proportion des reportages mettant l’accent sur les femmes est demeurée relativement stable depuis 2000, se situant à 10%.

L’augmentation de trois points de pourcentage constatée en 2010 ne s’est pas matérialisée en 2015, réintégrant le statu quo de 10% observé en 2000 et en 2005.

Quelque 14% des nouvelles présentées par les reporters féminines sont principalement axées sur les femmes, en comparaison avec 9% des reportages chez leurs collègues masculins.

Au cours des dix dernières années successives de monitorage, on constate que la différence entre les genres s’est exacerbée.

On observe que 9% des reportages évoquent des enjeux liés à l'(in)égalité entre les genres, plus du double du pourcentage observé il y a dix ans.

Le pourcentage des nouvelles dans lesquelles on fait référence aux questions d’égalité et d’inégalité entre les genres semble augmenter constamment depuis 2005, en dépit du fait qu’il demeure en-deçà de 10%.

Les nouvelles africaines affichent la proportion la plus élevée de reportages mettant en lumière les préoccupations relatives à l’égalité des genres : 1 à 2,5 reportages sur dix sous chacun des thèmes majeurs soulèvent des enjeux d’égalité.

Dans les nouvelles aux Caraïbes, presque quatre histoires sur dix sous le thème social/ juridique soulignent des préoccupations liées à l’égalité des genres. En Amérique du Nord, trois histoires sur dix sous le même thème soulèvent ces enjeux.

Au cours des dix dernières années, les progrès les plus remarquables quant à l’intégration de la perspective d’égalité des genres sont observés dans les reportages sur les sciences et la santé (+7 points de pourcentage), suivis des reportages sur l’économie ainsi que sur la criminalité/violence (+6 points de pourcentage).

Une ventilation régionale démontre qu’en Amérique du Nord et au Moyen-Orient, on tend davantage à traiter de différence entre les genres lorsqu’on met en lumière les pré- occupations relatives à l’égalité.

Dans les deux régions, les nouvelles présentées par les reporters féminines sont environ 2 à 2,5 fois plus susceptibles de soulever les questions d'(in)égalité entre les genres que celles qui sont rapportées par leurs collègues masculins.

Seulement 4% des reportages contestent clairement les stéréotypes sexuels, un changement d’un point de pourcentage depuis 2005.

Au cours de la dernière décennie, les stéréotypes sexuels sont demeurés fermement ancrés dans les produits des médias d’information.

En dix ans, on n’observe aucun progrès dans la proportion des nouvelles politiques qui contestent clairement les stéréotypes sexuels, alors que ces mêmes stéréotypes semblent avoir augmenté dans les nouvelles des domaines sociaux et juridiques.

Nouvelles numériques

La relative invisibilité des femmes dans les médias d’information traditionnels s’est propagée vers les plateformes de diffusion numériques : seulement 26% des personnes dans les actualités et les reportages sur l’Internet et Twitter sont des femmes.

Une ventilation des gens selon leur sexe et les rôles qu’ils jouent dans les reportages publiés dans les sites d’information sur le Web révèle des similitudes et des différences notables par rapport aux actualités de la presse écrite et aux nouvelles diffusées à la télévision ou à la radio.

Les femmes sont aussi susceptibles de paraître comme sujets et à titre de personnes interviewées à partir de leur expérience personnelle dans les nouvelles publiées en ligne que dans l’ensemble des nouvelles imprimées et diffusées dans les journaux et à la radio. Toutefois, les femmes sont moins susceptibles (par deux points de pourcentage) de paraître comme porte-paroles et plus susceptibles (par deux points de pourcentage) de paraître en tant qu’expertes, se situant respectivement à 18 et 21% des gens jouant ces rôles.

Les femmes rapportent 5% plus d’histoires en ligne qu’elles ne le font dans l’ensemble des médias traditionnels : 42% des nouvelles publiées en ligne sont rapportées par des femmes.

Les différences entre les genres quant à la sélection des sources entre les femmes et les hommes reporters deviennent plus évidentes dans les nouvelles en ligne.

La différence de dix points de pourcentage dans la sélection des femmes comme sources et sujets des nouvelles est trois fois plus élevée qu’elle ne l’est dans les médias traditionnels. Les femmes représentent 33% des sources dans les reportages en ligne produits par des femmes reporters, comparativement à 23% dans les reportages produits par des hommes.

Seulement 4% des tweets de nouvelles contestent clairement les stéréotypes sexuels, de façon très similaire au pourcentage global que l’on trouve dans les reportages diffusés par la presse écrite, la radio et la télévision.

http://whomakesthenews.org/gmmp/gmmp-reports/gmmp-2015-reports

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