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Campagne PPP

Campagne indépendants : la rencontre de Bastogne

24/03/2005

Par rapport à la plupart des autres régions de la Communauté française, le marché qui « s’offre » aux journalistes indépendants de la province de Luxembourg est à la fois plus fermé et plus étroit. Et ces deux caractéristiques y rendent l’exercice du métier en free lance encore plus aléatoire qu’ailleurs. C’est là, sans doute, le principal constat à dresser à l’issue de la rencontre avec les journalistes indépendants qui s’est tenue le 24 mars à Bastogne.

Les journalistes indépendants luxembourgeois se plaignent de la précarité de leur situation et de la modicité de leurs rémunérations ; et ils sont probablement les plus mal lotis de la Communauté française.
Autre constatation alarmante émise par la douzaine de confrères (salariés et free lances) qui sont venus au rendez-vous bastognard : cette précarité ne fait que croître depuis quelques années, poussant certains à jeter l’éponge.

« Les conditions se détériorent partout. On supprime l’abonnement gratuit aux journaux auxquels nous collaborons. On réduit les frais de déplacement. On supprime les frais de téléphone« . Ou encore : « Chez Sud-Presse, ils nous demandent chaque année de faire un peu plus pour le même tarif« . Et certains semblent à ce point découragés qu’ils seraient déjà satisfaits si leurs conditions de travail ne se dégradaient plus dans les cinq ou dix prochaines années !

Morceaux (à peine) choisis : « Je dois abattre une telle quantité de boulot pour gagner un salaire de misère, qu’en fin d’après-midi, je me mets parfois à pleurer en travaillant »… « En moyenne, je rédige 300 papiers en quatre mois et je l’ai indiqué dans le formulaire que la SAJ demande de remplir pour calculer les droits d’auteur. A la SAJ, ils ont été tellement étonnés par le volume de ma production qu’ils m’ont téléphoné pour vérifier si je n’avais pas exagéré« .

Autre caractéristique du « marché luxembourgeois », les hiérarchies des principaux quotidiens de la province (La Meuse, L’Avenir du Luxembourg et La Dernière Heure) exigent des indépendants qu’ils fournissent à la fois des textes et des photos. « On est bien conscients qu’en agissant de la sorte, on risque de faire sombrer le seul journaliste photographe de la province, mais si on ne le fait pas on n’arrive pas à s’en sortir vu la modicité des tarifs pratiqués« . Un photographe free lance, qui au départ ne faisait que des photos, s’est vu intimer l’ordre par la hiérarchie d’un quotidien de rédiger aussi de petits textes, sinon on se passerait purement et simplement de ses services ! Ce cumul de métier ne va pas sans poser problème : « Je couvre des matches de foot et de basket en textes et en photos. Pour le foot, je ne peux donc pas m’installer dans la tribune de presse, je suis obligé de rester sur le bord du terrain avec mon carnet et mon appareil. Au basket, je profite des temps morts pour faire mes photos avant de reprendre la comptabilisation des paniers. Je sais que les amateurs de basket sont friands de photos de phases de jeu mais, vu les conditions dans lesquelles je dois travailler, il m’est presque impossible d’en faire« . Voilà une illustration parfaite du lien entre conditions de travail et de rémunération, et qualité de l’information.

Pour ce qui est des tarifs, c’est la soupe à la grimace chez tous nos confrères indépendants sauf peut-être pour ceux qui travaillent pour Le Soir. En matière de rémunérations des journalistes indépendants, la « Belle Province » vit sous le règne d’une diversité invrai-semblable… dans la modicité. Un journaliste professionnel explique que certains textes (de la dimension d’une brève, voire un peu plus) lui sont payés 3 (trois !) € bruts ! Il y a presque autant de tarifs que d’indépendants, constatent avec amertume tous les participants à la réunion. Et en matière de diversité, L’Avenir du Luxembourg remporte la palme. Ce quotidien applique, en effet, que ce soit aux journalistes indépendants ou aux collaborateurs non-professionnels, un système de paiement en fonction de points décernés qui tient du… casse-tête chinois. Et – évidemment – c’est la hiérarchie du journal qui s’arroge la prérogative d’attribuer ces précieux points ! Selon quels critères ? Beaucoup de journalistes luxembourgeois s’interrogent toujours.

« La seule chose qui me semble évidente, commente un confrère salarié, c’est que le nombre de points attribués dépend de la docilité des journalistes indépendants qui travaillent pour ce quotidien. »

Daniel CONRAADS

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